mercredi 3 octobre 2018

DAMIEN J. JARRY "nous jouions aux rockeurs comme des enfants jouent aux cow-boys" PARTIE I



"Il y a une dimension spirituelle de toute 

façon c'est certain, une incarnation à trouver. 


J'ai reçu un jour le conseil d'appréhender le 


violoncelle comme un exercice de ventriloquie. 


Ce n'est pas avec ses bras et ses doigts que 


l'on joue de la musique c'est avec son ventre."




Damien J. Jarry





INTERVIEW DE DAMIEN J. JARRY


Bonjour Damien J. Jarry, merci d’avoir accepté du subir 

cet interrogatoire de votre 

pleine volonté, sans contrainte aucune, enfin 

normalement eh eh eh… Hum, bon, ma première 

question : qui est Damien J. Jarry ?


Bonjour et merci pour cet « interrogatoire », je suis flatté ! 

Voilà une présentation :

Je suis graphiste indépendant ; je mets en page des livres, 

je conçois des brochures, des affiches, des pochettes de 

disques, des logos... je propose plus largement du conseil 

en communication. Mes clients viennent d'univers très 

différents et n'appartiennent pas forcément au domaine 

artistique. Depuis quelques années je développe la mise en 

scène ; des spectacles musicaux surtout (comme « Odino » 

entre 2015 et 2018), des opéras (comme « Les Arts 

Florissants » de Charpentier au Château de Versailles en 

2017




et bientôt 2019 avec l'ensemble Marguerite Louise dirigé par 

mon frère Gaétan Jarry), des spectacles jeunes publics 

(« Musique Enjouée » pour les 3-6 ans) et récemment un 

court-métrage sur l'histoire du Théâtre de L'île Saint-Louis 

intitulé « L'île Amour ». Je m'essaie également à l'illustration 

et prépare en ce moment un livre d'histoires humoristiques 

avec des notes de musiques personnifiées (« La Partoche ») 

ainsi qu'une collection de livres pour enfants avec une 

famille de robots (« Tipop »). Le quatrième volet de mon 

activité ; la musique et en particulier le violoncelle : des 

projets personnels pour la plupart (live et studio) mais aussi 

quelques « piges » à droite à gauche, classiques, rock et 

jazzy...





Tous ces sujets ne sont pas antinomiques et je n'ai pas 

l'impression de faire plusieurs métiers ; quels que soient les 

moyens, avec mon archet ou ma souris, je propose ma 

façon de voir les choses, avec les compétences qui sont les 

miennes, mon expérience et tout mon cœur.


Pourquoi avoir choisi le violoncelle et non pas la guitare 

électrique et devenir un guitare héros ?

Je viens d'un milieu un peu conservateur où rock et variété 

n'étaient pas forcément les bienvenus. J'avais 9 ans lorsque 

j'ai débuté le violoncelle sans trop me poser de questions. 

Adolescent, je détestais ça : jouer du « crin-crin » à l'église 

dans mon affreux pantalon de velours côtelé beige alors que 

tant de gamins de mon âge frimaient déjà avec leurs 

premiers groupes de rock ! J'étais carrément jaloux. J'aimais 

le rock. J'aimais le rock plus que tout. J'écoutais « Welcome 

to the jungle » des Guns'n Roses sur mon walkman-

cassette, à l'âge de 11 ou 12 ans, sur le chemin du collège... 

collège privé, catholique, non mixte, et à Versailles !

GUNS N' ROSES

Et puis je m'y suis mis enfin, vers 16-17 ans, en écrivant 

mes premières chansons au piano. Un peu de studio pour 

des démos, et puis quelques concerts... non pas des 

concerts de « garage » comme dans les films américains, 

mais des concerts de « salon »,Versailles oblige ! Mon 

groupe s'appelait le « Ghost Show ». J'adorais ce groupe ; 

mon jeune frère Gaétan (aujourd'hui chef d'orchestre et 

organiste) était à la batterie, mon grand frère Arnaud à la 

basse, mon meilleur ami Pierre Schmidt à la guitare et moi 

au piano et au chant. Je n'y jouais pas du violoncelle, je 

chantais en me prenant pour mes héros, dans des costumes 

de scène extravagants au milieu d'effets scéniques fait-

maison (canon à confettis en carton, baleine gonflable...) et 

même de la véritable pyrotechnie (pouf de fumée et gerbes 

d'étincelles de 2 mètres !) … je ne comprends d'ailleurs 

toujours pas comment nos parents ont finalement toléré tout 

ça dans leur petit salon ! Nous n'étions pas comme nos 

copains du même âge qui cherchaient des concours type 

« Emergenza » pour se produire dans de vrais clubs, nous 

jouions aux rockeurs comme des enfants jouent aux 

cowboys... et ce salon à Versailles devait ressembler au 

Wembley Stadium de Londres !

Un peu plus tard à la fac, j'ai rencontré le batteur Vincent 

Touchard et nous avons monté notre duo jazz-rock et drum'n 

bass, batterie et violoncelle : « Dual ». Je me suis alors un 

peu réconcilié avec le violoncelle ; je pouvais l'amplifier, 

jouer ma propre musique, y placer quelques effets de delay 

ou de reverb'. D'une certaine manière, Dual m'a permis de 

ne pas lâcher mon instrument si peu rock'n roll, de me le ré-

approprier, d'en faire quelque-chose de personnel. Nous 

avons donné de nombreux concerts et 20 ans plus tard nous 

sommes en train de remettre le couvert avec une joie 

immense.






Parlez-nous un peu du violoncelle, de cet instrument qui 

nous semble bon pour jouer juste de la musique 

classique ?


En 92, Melora Creager, leader du groupe Rasputina avait 

marqué les esprits lors de son passage aux fameux 

unplugged de Nirvana. Puis le « ras-de-marée » finlandais 

Apocalyptica (quatuor de violoncelles heavy-metal), 

première véritable pierre à l'édifice du violoncelle rock. 

Aujourd'hui c'est toute une école, tout un mouvement ; les 

vidéos sur internet se comptent par milliers... violoncelles 

électriques ou violoncelles acoustiques avec effets... Il y a 

les têtes de gondole comme la belle Tina Guo et les 

fantastiques 2Cello... mais aussi The PianoGuys, Emil & 

Dariel ou Vincent Segal (« M » et Bum cello).


Melora Creager

Ce n'est plus un instrument atypique sur la scène rock. 

Aujourd'hui beaucoup de jeunes débutent le violoncelle pour 

cette musique avant tout. Mais « nous » sommes encore un 

peu des pionniers... l'histoire est loin d'être finie.


Damien J. Jarry, j’ai regardé des vidéos où on vous voit 

jouer différents styles musicaux avec votre violoncelle, 

on vous voit toujours vivre la musique comme si vous 

étiez inhabité (le terme inhabité je pense qu’il ne 

s’utilise normalement qu’en théologie, pour dire que le 

Saint-Esprit a fait sa demeure dans le chrétien, mais je 

l’utilise aussi pour la musique) par elle, est-ce cela ?


J'aime bien ce terme. Il y a une dimension spirituelle de 

toute façon c'est certain, une incarnation à trouver. J'ai reçu 

un jour le conseil d'appréhender le violoncelle comme un 

exercice de ventriloquie. Ce n'est pas avec ses bras et ses 

doigts que l'on joue de la musique c'est avec son ventre.





Vous excellez dans tous styles, même dans cette 

chanson de Manu, qu’elle a voulu en japonais. Comment 

faites-vous ?


Je suis « amoureux » de Manu. C'est la voix la plus sensible 

du rock français, le timbre le plus juste. Vous imaginez ma 

joie que ce titre devienne 2 ou 3 ans plus tard le projet 

« Entre-deux-eaux » avec Matt Murdock et le harpiste 

Christophe Saunières ; le projet va continuer d'ailleurs, avec 

un deuxième album et des concerts en 2019.







MANU

En tout cas, je ne cherche pas, (ou plus), à être un 

« rockeur », un musicien classique ou un artiste de variété. 

Je m'efforce de prendre du recul sur chaque projet qu'on me 

propose, cherchant avec objectivité si, oui ou non, je peux y 

apporter quelque chose, si je peux y contribuer au plus 

juste, avec mon niveau, ma personnalité. Il m'est arrivé de 

tenir des rôles qui n'étaient pas pour moi, c'est l'horreur... je 

ne veux plus rien « vendre » d'autre que ce que je suis et ce 

que je sais faire vraiment... qu'importe le style de musique, 

ça matche ou ça ne matche pas.


Comment choisissez-vous vos collaborations ?


L'admiration réciproque est essentielle. L'admiration 

artistique, l'admiration humaine... le simple respect, la simple 

reconnaissance ne suffisent pas.


Est-ce que vous avez déjà eu ou avez-vous le projet, 

d’avoir un groupe à votre nom ?


J'ai essayé avec le groupe « Mad Mad ». C'était un projet 

perso avec une équipe de 4 musiciens. Mes copains 

m'appelaient « Dam »... à l'envers ça faisait « Mad » et à 

l'époque mon visage était à l'envers à cause de mes soucis 

de santé... bref... j'aurais pu appeler le projet « Damien J. 

Jarry », mais je caressais l'espoir qu'il devienne un jour un 

véritable groupe, un groupe dans lequel, un peu comme 

Queen, chaque musicien aurait pu apporter ses propres 

chansons. Au final, nous avons sorti dans la précipitation un 

petit album de 10 titres (« Punk & Circonstances » - MVS 

records), et donné moins d'une dizaine de shows. L'argent 

manquant et ma difficulté à trouver des dates de concerts, la 

petite troupe ne pouvait plus suivre, et je me suis vite 

retrouvé très seul, assis sur ma pile de disques invendus.






Aujourd'hui j'adorerais monter un nouveau combo pour jouer 

ma propre musique, mais sans moyens financiers sans 

promesses de shows ce n'est pas simple, et puis il faut 

trouver des gens, les motiver... je ne suis pas doué pour ça.


Enseignez-vous le violoncelle ?


Heureusement pour les jeunes violoncellistes non ! Ma 

technique c'est n'importe quoi. Je fais mon truc à moi... je 

bidouille... à ma sauce ! Je tiens mon archet comme un 

« couteau de boucher »(dixit l'un de mes profs) mes doigtés 

sont anti-académiques... ce ne serait pas très 

recommandable. Il m'arrive en revanche de faire un peu de 

coaching scénique.





De quelles autres instruments jouez-vous ?


Je joue du piano comme on joue de la guitare chez les 

scouts, en enchaînant des accords sur des figures de 

rythme. De la guitare comme on joue de la batterie, avec 

plus de rythme que de notes. Et enfin de la batterie comme 

tous les musiciens qui ne sont pas batteurs, frimant pendant 

deux heures sur les trois patterns que j'ai en magasin. La 

batterie est mon instrument préféré de manière générale, je 

peux en écouter solo des heures.


Parlons un peu de cette tournée en l’honneur de Queen. 

D'abord pourquoi Queen ?


Queen c'est toute ma vie, de loin ma plus grosse influence. 

J'ai découvert cette musique à l'âge de 10 ans et ça ne m'a 

plus jamais quitté. Je possède une belle collection de 

disques, de livres, de vidéos et d'objets dérivés. À la fin de 

mes études j'ai rédigé un mémoire sur la chanson 

« Bohemian Rhapsody ».... Je me réjouis que le biopics 

porte ce titre.

Ce projet du « Queen Concerto » est sans aucun doute mon 

projet préféré... parce que c'est Queen et parce que c'est 

avec mon frère Thomas. On se présente sur scène avant 

tout comme deux« fans », souhaitant partager avec le public 

l'extraordinaire inventivité des mélodies, la richesse des 

harmonies, l'incroyable variété de vocabulaires, des 

contrastes détonants, des états d'esprits, des styles si 

différents dans un seul et même répertoire.






D'après les extraits que j’ai vu c’est absolument génial, 

votre frère et vous arrivez à nous jouer du Queen, d’une 

manière classique et Rock aussi. Vous occupez toute la 

scène, alors que vous n’êtes que deux. Avez-vous eu 

peur de la réaction du public ?


Ce qui est amusant c'est qu'il y a un peu de tout dans notre 

public... les habitués de récitals classiques, les connaisseurs 

de Queen, les anti-classiques, les anti-rock, mêmes des anti-

Queen... des personnes âgées, des ados et souvent 

quelques enfants.

Thomas est très classique dans sa queue de pie impeccable 

et sa manière de jouer, moi je suis l'OVNI rock'n roll, un peu 

« too much » par moment mais avec beaucoup moins 

d'humour que lui... avec nos différences et notre complicité, 

le duo fonctionne bien et les spectateurs comprennent notre 

engagement, notre démarche et notre sincérité. Nous avons 

eu aussi des critiques bien salées, mais il fallait s'y attendre ; 

on s'attaque à un « monstre » ! Une chose est sûre pour 

nous, la musique de Queen se prête à merveille à cette 

instrumentation : le timbre du violoncelle incarne la chaleur 

de la voix de Freddie Mercury, tantôt douce et romantique, 

tantôt rauque et rageuse. Quant au piano, il peut être un 

symphonique à lui tout seul, un quatuor de jazz ou un 

groupe de hard rock.





Combien de temps avez-vous mis pour arriver à 

présenter ce concert ?



C'est surtout Thomas qui a travaillé de longues heures sur 

les arrangements. Nous avons passé à peu près un an à 

trouver la manière d'adapter cette musique au duo et choisir 

quels titres on jouerait (il faudrait bien un show de 3 heures 

pour ne faire que les tubes).  





Comment se passent les répétitions pour un tel 

concert ? Et avec les autres groupes ?


Les bonnes répets sont celles qui ont été répétées en 

amont, chacun de son côté. On peut passer du temps sur un 

titre en particulier ou quelques mesures, mais très vite il faut 

répéter l'entièreté du programme comme si c'était une seule 

et même chanson... une répétition doit être un exercice de 

« répétition » jusqu'à épuisement.


Avez-vous eu des retours de membres du groupe Queen 

pour votre Tribute de qualité ?


Ils doivent bien avoir aperçu une partie des milliers 

d'hommages qui peuvent exister sur internet... Il y en a pour 

tous les goûts, et pas toujours des meilleurs d'ailleurs. Peut-

être ont-ils vu le nôtre ?!

Le plus bel hommage est pour moi celui du compositeur, 

arrangeur et chef d'orchestre Tolga Kashif. Il ne s'est pas 

contenté d'un arrangement orchestral pour chaque titre, il a 

créé une œuvre à part entière : mixant les tubes entre eux, 

les superposant, les agençant comme personne pour 

raconter une histoire, c'est extraordinaire ! Une œuvre assez 

sombre et tonitruante, quasi Wagnérienne, pour un 

orchestre symphonique plus qu'au grand complet, chœur et 

orgue. Écoutez ça, frissons garantis !





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