"On veut faire du rock en français" (Victor)
INTERVIEW
DE VICTOR (LE CRI)
Bonjour
Victor, si un malade souffrant vous dit que votre musique l’apaise
quel effet cela vous fait-il ?
Bonjour
Ichigo. Cela me fait plaisir, la musique on l’écrit avant tout
pour partager des émotions fortes.
Votre
style de musique me fait penser à Noir Désir et à Dionysos.
Ces
comparaisons sont évidemment agréables et sont très pertinentes.
On veut faire du rock en français et ce sont deux groupes que l’on
estime. Noir Désir, pour son énergie, ses guitares, ses paroles.
Dionysos nous provoque beaucoup d’émotions aussi pour leurs textes
et les prestations du groupe en live.
Que
pouvez-vous nous dire sur Le Cri ? Et pouvez-vous brièvement
présenter les musiciens ?
C’est
un groupe de rock français qui a deux ans, formé par quatre amis.
Nous nous sommes laissés guider par deux principes, qui nous ont
semblé évidents dès la création du groupe : d’une part, écrire
des textes en français avec une forte dimension poétique. D’autre
part, nous avions envie de tout faire de A à Z, de la production au
live.
Le
groupe se compose de :
-
Victor: chant et guitare lead, je compose aussi la musique
-
Grégoire : Guitare rythmique
-
Marie-Anne : Basse
- Vincent : Batterie, il donne beaucoup d’énergie au groupe
En
parlant de l’album, la jaquette de « Éternelle Idole »
est très belle, comment décidez-vous pour la concevoir ?
Nous
avions fait la pochette du premier album nous même dans l’idée
d’une auto production complète. Pour les artworks d’Eternelle
Idole, nous voulions que quelqu’un nous apporte son regard afin de
se concentrer uniquement sur la création musicale. Nous avons
sollicité Mademoiselle Flo (@flo.mademoiselle), une photographe que
nous apprécions beaucoup, puis nous avons organisé un shooting à
Paris après qu’elle ait pu écouter l’album. Sur la photo que
nous avons finalement retenue, je suis au dernier plan ce qui est
inhabituel pour le leader d’un groupe, mais elle représente bien
notre côté collectif avec la touche de féminité apportée par
Marie-Anne au premier plan.
Pensez-vous
que la pochette fait partie de l’œuvre ?
Oui
complètement, nous voulions que la pochette fasse partie de
l’expérience et qu’elle reflète une partie du groupe, ce qui
nous semble le cas.
La
guitare tient une place importante dans votre musique.
Avec
la guitare, c’est une histoire d’amour. C’est un objet qui
communique énormément les émotions, les possibilité sonores et
musicales sont infinies. Je compose toujours à partir de cet
instrument.
C’est
également une question artistique, je me vois mal écrire des
mélodie sans solo de guitare. C’est pour ça que j’aime dire que
Le Cri remet les guitares à l’honneur.
Pour
notre album Éternelle Idole, on a fait beaucoup de recherche sur
les sonorités, les effets, on a changé de matos… bref on a
travaillé le son. Il y a une influence rock-électro aussi, mais
sans utilisation de synthé.
« Le
Cri remet les guitares à l’honneur »
Regardons
un peu l’album plus en détail :
« Quel
Horizon » Pensez-vous que nous devons nous attendre à une
guerre mondiale ?
C’est
un morceau tranchant. Les paroles, écrites par Marie-Anne, disent
que nous avons tous quelque chose à dire sur ce qui nous entoure et
que nous pouvons agir, en abordant différents problèmes
d’actualités, de l’immigration en passant par le féminisme et
qu’en tant que citoyen nous devons nous en saisir.
« Éternelle
idole » est un morceau magnifique. Mais quelle est cette
éternelle idole, est-ce une femme ? Et pensez-vous que partir
suffit ? Aussi pensez-vous que l’on puisse oublier ?
Enfin, vendre son âme est une parole forte.
Pour
« Éternelle Idole », j’ai commencé par composer la
musique et les paroles sont venues ensuite. Je voulais m’affranchir
des groupes que j’écoutais pour trouver une totale liberté.
« Éternelle
Idole » fait référence au mythe grecque de Galatée, statue
dont Pygmalion tombe amoureux. Et c’est alors qu’Aphrodite rend
la statue vivante pour exaucer son voeu…
Ce
mythe nous touche tous car chacun de nous peut avoir des rêves
impossibles à réaliser. C’est donc une chanson qui parle de
souffrance et d’une impossibilité. Surtout, cette « Éternelle
Idole » peut venir toquer à la porte alors qu’on ne s’y
attend pas. Elle me poursuit jusque dans le matériel que nous
utilisons, une de mes guitares se surnommant « Galatée ».
En
live elle n’est pas évidente à jouer en raison des effets très
présents, des solos, des changements de rythmes. La dernière partie
de la chanson, où je me fait porte voix de l’ « Éternelle
Idole », est aussi un défi.
« Cette
Éternelle Idole peut venir toquer à la porte alors qu’on ne s’y
attend pas »
« Sans
contrefaçon ». expliquez-nous cette excellente reprise ?
Jusqu’à
présent on a toujours fait des compos originales mais on voulait
faire une reprise pour le live. Il fallait que cela soit différent
de l’originale et, en même temps, que ça lui rende hommage.
Marie-Anne
a proposé la chanson et à partir de là on a bossé pour qu’elle
s’intègre dans l’univers du Cri. Imaginer un solo qui colle à
cette chanson fut difficile et la solution est venue en partie de ce
tremolo très prononcé qui lui donne toute sa singularité. Au
final, avec les effets et la basse, nous avons trouvé un équilibre
entre la chanson originale et notre propre univers.
On
peut aussi y voir un clin d’oeil à notre premier single « Mauvais
Garçon », avec l’idée de mélanger les genres.
« L’indien »
Je résumerai en deux mots chercher et trouver. Cet inconnu plus
humain dont vous parlez, pourquoi serait-il plus humain et plus
humain que qui ? Vous trouver notre monde incertain ?
« L’Indien »
parle du rapport à soi et à la société, au fait que chacun
cherche ce qu’il est et sa place. L’indien fait le choix de
sortir d’un consumérisme rassurant pour tenter une expérience
dont l’issue est incertaine.
La
voie qu’on nous montre est craquelée. Si on ne se remet pas en
question, on est un peu responsable. On peut changer les choses mais
cela nécessite de faire un travail d’introspection au préalable.
« Sur
mars ». Vous parlez à un moment « dans cette rue »,
est-ce que la chanson parle d’une relation entre une prostituée et
un homme qui va plus loin que celle avec un simple client ?
C’est
intéressant ce que vous dites. La chanson parle d’une rencontre
amoureuse, une rencontre très forte, violente. Le texte original de
la chanson était trop personnel. Nous l’avons réécrit afin de
laisser la chanson ouverte à l’interprétation de chacun.
Pour
une fois, j’ai essayé de débuter la composition au piano mais
cela ne « marchait pas » avec le groupe lorsque nous
avons essayé de la monter. On a donc tout repris ensemble à partir
d’une ligne de basse et de la batterie et là, ça a fonctionné.
Pour
revenir à l’interprétation que vous me donnez, à la fin ce n’est
pas une rupture, du moins pas forcément, il n’y a pas qu’une
seule vérité dans Sur Mars, le sens, chacun peut se l’imaginer…
« Ulysse ».
Qu’est-ce que ce petit morceau ?
J’aime
travailler le son pour créer des ambiances sonores oniriques et
parfois planantes, purement instrumentales. On avait d’ailleurs
déjà fait cela avec notre groupe précédent (L’Echine et les
Nippons).
Avec
cette chanson, Ulysse, j’ai voulu créer une césure au milieu de
l’album, une transition, une ballade avec en référence des
groupes comme les Smashing Pumpkins. Cela devrait permettre de
souffler, se reposer, en étant dans une univers poétique.
Le
nom d’Ulysse… eh bien c’est parce que dans cette ballade est
d’abord apaisé puis on va vers l’inconnu et le mouvement devient
plus violent. Cela m’a fait penser à ce héro.
LE REPOS D'ULYSSE - Vincent Rougier
« Souffler,
se reposer, en étant dans une univers poétique »
John Singer Sargent - Nonchaloir (Repose) (1911)
« Elle
m’adore ». Qu’elle meurt ! Il s’agit d’une femme ?
Pourquoi tant de plaies, de désespoirs ? On dirait qu’il veut
que cette femme meurt et en même temps ce serait terrible pour lui ?
Oui
vous avez raison, il veut cette femme. Il est amoureux d’elle car
il croit qu’elle l’adore. Il y a un amour infini, mais ce n’est
pas la réalité.
La
voix saturée, la guitare brute créent une tension très forte qui
vient souligner cet état second dans lequel se trouve le personne de
la chanson.
« Pays
Vermeil » Vous parlez de Paris Babydole, est-ce un jeux de mot
voulu ? J’avoue avoir séché un peu sur cette chanson qui est
me semble-t-il triste, mais avec un peu d’espoir ?
C’est
une chanson que Vincent a écrite et qui parle de la vieillesse et de
la nostalgie d’une époque disparue. Il s’agit de se rappeler de
souvenirs heureux mais aussi parler de la mort.
Avec
« Pays Vermeil » on a voulu prendre des risques pour
surprendre notre public. Il faut se laisser porter par son rythme et
sa poésie. Il a d’ailleurs des mots qui traversent l’album et
que l’on retrouve comme une dernière évocation avant que le
voyage se referme.
Vous
aimez les chœurs ?
Oui !
C’est un énorme travail qu’on a fait. Les choeurs de Vincent
sont une composante majeure de cet album. Les guitares se répondent,
les voix idem, les chœurs répondent à ma voix. Par contre, c’est
très délicat à mettre en place en live vu que Vincent est notre
batteur mais cela apporte beaucoup. Dans l’avenir, on voudrait
aussi que Greg et marie-Anne puissent y participer.
Comment
se passent les répétitions ?
Nous
répétons une fois par semaine, parfois plus. Il y a des répètes
« de construction » et des répètes pour le live. Ce
sont des moments festifs, ce n’est pas que du boulot !
Qui
est le leader ?
C’est
moi, mais on est bien un groupe de rock avec chacun ayant son rôle.
Ce qui est formidable pour moi, c’est d’être porté par tout le
groupe en live.
Comment
se passent les enregistrements ?
Pour
les enregistrements, on a voulu tout faire nous-mêmes. On aurait pu
prendre la solution d’aller en studio avec un ingé son pour faire
une prise directe mais, dans ce cas, la route est tracée et ça nous
intéresse moins.
Du
coup, on a dû tout apprendre. On a d’abord choisi d’enregistrer
piste par piste, puis on a acheté le matériel. Ensuite on a loué
une maison où il y a un bon son et on a fait les prises, et ça sur
deux week-ends de trois jours.
Pour
les prises de son le piste par piste nous permet de détailler
énormément chaque morceau et de créer une véritable signature
sonore, sans contrainte de temps ni d’argent. Je fais ensuite le
mixage, auquel je me suis formé au gré de nos albums et de certains
pour d’autres groupes. C’est comme cela qu’on a fait pour les
deux albums.
Aimez-vous
être en studio ?
Nous
adorons cela, on est des amis qui aimons nous retrouver, et ce sont
des moments que nous attendons toujours avec impatience. Pendant ces
week-end nous travaillons énormément sans se sentir contraint un
seul instant.
Lors
des répètes acceptez-vous du public ?
On
en a eu un petit peu, mais on est pas très à l’aise. De plus on
joue très très fort… Ce n’est pas le moment à privilégier
pour nous voir jouer !
Et
lors des enregistrements ?
Une
fois on a eu des amis… mais alors ce n’est pas possible de
travailler !
Composez-vous
en vue de la scène ?
Oui
bien sûr ! La scène c’est des moments durs, on a affaire avec
toutes les limites de chaque salle et de notre propre installation,
avec des effets guitares et voix, une batterie sonore, etc… La
scène est l’inverse du studio.
« La
scène, c’est des moments durs, on a affaire avec toutes les
limites »
Quel
est votre rapport avec le public ?
Un
rapport de partage bilatéral. Avec le groupe on donne tout ce qu’on
a, à 300 %. Mais c’est aussi important de voir le public, il
peut véritablement nous porter. Si le public n’est pas intéressé,
cela va être plus dur pour nous…
Et
avec les médias ?
Nous
avons eu deux articles dans le journal l’Union. Un pour la sortie
de « L’Hymne Fatale » et un pour « Éternelle
Idole » qui annonçait la sortie de l’album et le concert.
Êtes-vous
sensibles aux critiques négatives, s’il y en a ?
Bien
sûr. Quand on a commencé, on a reçu des critiques négatives. Je
ne suis pas un chanteur à la base. Je suis le premier à critiquer
ce que nous faisons. Car on fait cela pour partager quelque chose de
qualité.
Écouteriez-vous
les conseils d’un écoutant ?
Oui
on sollicite les avis des gens qui viennent nous voir. On est des
amateurs. On propose. On demande, mais ce ne serait que pour le live
que nous changerions ceci ou cela.
Dans
vos textes, on y trouve beaucoup de poésie, vous y tenez ?
On
est conscient de nos limites quand on propose des textes, qui sont
écris par nous quatre en alternance. On a, oui, une écriture
poétique mais sans se qualifier de poètes. La poésie permet une
lecture où chacun peut dire ce qu’il veut, mais ça nous
responsabilise pour ne pas dire n’importe quoi. Nos références
pour l’écriture sont Bashung et Gainsbourg, il faisaient de la
poésie chantée. Dans leur écriture nous pouvons être influencé
mais pas dans l’ambiance.
« La
poésie permet une lecture où chacun peut comprendre ce qu’il
veut, mais ça nous responsabilise pour ne pas dire n’importe
quoi. »
Le
Cri n’est pas un groupe très joyeux, les textes sont
mélancoliques, tristes. C’est l’état de chacun d’entre vous ?
Chaque
être humain a des émotions de joie et de tristesse. Je pense que
quand on fait de l’art, cela doit apporter quelque chose. Je ne
suis pas trop pour l’art où on dit que tout va bien, que tout est
formidable et que tout ira bien.
Toutes
nos chansons ont quelque chose de la nostalgie mais pas que. Comme
nous sommes attachés au militantisme, cela se reflète aussi dans
nos chansons, qui restent profondément optimistes.
« Je
ne suis pas trop pour l’art où on dit que tout va bien. »
Pouvez-vous
nous dire quelques mots sur votre premier album ?
« L’Hymne
Fatal » est un album dans lequel on a essayé de parler de ce
qui se passe autour de nous. C’est une sorte d’intro à
« Éternelle Idole ».
Ce
fut un vrai défi pour Le Cri : on a commencé le groupe en
janvier et en octobre on sortait l’album. Notre style, le plus
carré, le plus précis et technique. Et tout ce qu’on a pas dans
la technique, on l’a dans l’énergie.
Quelques
mots sur « Apocryphe » et sur « Les Deux
Mots »?
Ce
sont deux titres de l’album que nous nous fait avec notre groupe
d’avant « L’Échine et les Nippons ». C’était un
groupe de Punk et de Rock. Nous jouons ces deux morceaux en live. Le
public commençait à les connaître et à les apprécier, raison
pour lesquelles nous les gardons.
Voici un lien pour l'album de notre premier groupe L'Echine et les Nippons, "Black Buddhism", nous étions trois guitaristes et je chantais, première expérience d'enregistrement de CD, la batterie est électronique, l'album est sorti 3 mois avant que nous commencions le Cri et un an avant notre album L'Hymne
L’album
incontournable ?
Dark
Side Of The Moon des Pink Floyd
et j’ajouterai In The Court Of King
Crimson.
Pour
finir, c’est notre petit « jeux » réservé à chaque
artiste. Que pouvez-vous nous dire en deux mots sur :
Serge
Gainsbourg : Poésie et nostalgie.
Noir
Désir : Énergie et guitare.
Alain
Bashung : Texte et lunettes de soleil.
Bernard
Lavilliers : Ballade et paternel.
Le
Cri, Victor, merci, merci pour ce chaleureux moment. Il ne vous reste
plus qu’à conclure :
Notre
album Eternelle Idole est actuellement disponible facilement via tous
les sites de streaming et j’espère que cet interview vous aura
donné envie de l’écouter, notre actualité pour 2018 comprend la
participation au Tremplin Emergenza à Paris, la sortie d’un clip
vidéo et d’une captation live, des dates à Paris et en province,
toutes les infos sont à retrouver sur notre site internet et sur
Facebook.
Pour
conclure je voudrais remercier tous ceux qui font le Cri et qui nous
permettent de faire de la musique, à savoir nos familles, nos amis,
notre public, les salles qui nous accueillent en live, notre
photographe Mademoiselle Flo et notre réalisateur Siegfried May, et
bien sûr, vous Ichigo !
"Il faut se laisser porter par son rythme et sa poésie"
"Rythme et poésie" © Improbable peinture de Claude Delmas
Les liens:
Ichigo Samuru
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